Interview croisée LabCom Bio@Tex: Pierre Schmitt, Jacques Lalevée, Lionel Limousy

Interview croisée LabCom Bio@Tex: Pierre Schmitt, Jacques Lalevée, Lionel Limousy V

En 2022, sous l’impulsion de l’Institut Carnot MICA, l’entreprise de textile alsacienne Emanuel Lang (Groupe Velcorex/Emanuel Lang) et l’Institut de Science des Matériaux de Mulhouse (IS2M) lancent leur premier laboratoire commun après avoir remporté un appel à projets auprès de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). À travers ce nouveau LabCom, baptisé Bio@Tex, Velcorex et l’IS2M, entendent développer ensemble de nouveaux matériaux bio sourcés destinés à terme à des applications industrielles.

Entretien avec Jacques Lalevée, Responsable scientifique du LabCom, Pierre Schmitt, Président de l’entreprise de textile Velcorex et Lionel Limousy, Directeur de l’Institut Carnot MICA

Comment est née l’idée d’un laboratoire commun ?

Pierre Schmitt : Notre région est historiquement une terre de collaboration entre les laboratoires de recherche et les industriels. Si la filière du lin a été bousculée par les délocalisations et la perte de compétences dans l’industrie textile lors des 50 dernières années, elle reprend confiance depuis une décennie. C’est finalement le renouveau des échanges entre les producteurs de machines, les agriculteurs, les tisserands, les chercheurs… qui nous a donné, à tous, l’envie de travailler ensemble. La prise de conscience du temps perdu, des compétences techniques dispersées, mais aussi des enjeux écologiques et de la dépendance au pétrole, sont la raison même de la création de ce LabCom. C’est le directeur de l’Institut Carnot MICA qui a été moteur dans la mise en œuvre de la démarche de candidature à l’appel à projet LabCom de l’ANR.

Lionel Limousy : Les chercheurs qui côtoient quotidiennement les entreprises, comme ceux du Carnot MICA, savent qu’elles n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour investir dans la R&D, contrairement aux grands groupes industriels, qui eux, y consacrent une part importante de leurs budgets.

C’est cela aussi, qui nous a poussé à candidater à l’appel à projet de l’ANR : permettre aux PME de développer des innovations en R&D, vers lesquelles elles n’ont pas toujours les moyens d’aller.

Jacques Lalevée : Comme chaque année, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) a lancé un appel à projet pour un laboratoire commun. Cela nous a permis de nous fixer un cadre, un délai et un contexte. Nous savions, dès la réponse à l’appel à projet, que le laboratoire commun bénéficierait des atouts de ses deux entités-mères : une excellente capacité de mise en relation des partenaires industriels et académiques, via le Carnot MICA, et une volonté permanente d’innover, via le groupe Velcorex / Emanuel Lang.

Mèche de lin, filature de lin
©Emanuel Lang

Dans quelles mesures la recherche partenariale constitue-t-elle un levier d’innovation ?

Jacques Lalevée : Si nous en savons beaucoup sur les matières synthétiques, c’est moins le cas pour les matières naturelles. En effet, malgré le grand intérêt du lin, la chimie européenne s’est moins intéressée à ce textile qu’à d’autres. Ses propriétés sont donc mal connues. C’est ça, le levier d’innovation de ce partenariat. L’objectif est d’avoir à la fois des réponses aux questions urgentes – caractérisation des fibres, positionnement du matériau par rapport à d’autres références synthétiques – et de développer de nouveaux produits, à court, moyen et long termes.

Pierre Schmitt : Il faut rappeler, en quelques mots, quelle a été l’histoire du lin. Si aujourd’hui, nous développons essentiellement des fibres synthétiques ou du coton, il faut rappeler que le XIXème siècle fut le siècle du développement, des innovations et des progrès liés au lin. Ce laboratoire commun permettra de rattraper le temps perdu et de compenser ce que nous n’avons pas su réaliser tout au long du XXème siècle.

À l’inverse, certains pays, comme le Royaume-Uni ou la Suisse, qui n’ont pas les mêmes atouts que nous, sont bien plus avancés. Il y a donc un caractère d’urgence qu’il nous faut prendre en compte en France.

Réhabiliter cette dynamique autour de la culture du lin est un grand défi qui ne se relève pas du jour au lendemain. Il faut désormais mobiliser toutes les compétences : l’Etat interviendra, c’est certain, mais nous montrons d’ores et déjà l’exemple avec, à notre échelle, la création de ce Labcom.

Lionel Limousy : Ce LabCom est également important pour la recherche partenariale au regard de son modèle organisationnel et fonctionnel. Nous ne sommes pas dans une logique de commande, réalisation, livraison, sans continuité dans les projets. Les échanges sont permanents entre les membres du LabCom. Les personnels sont chez eux sur les deux sites. Quoi de mieux qu’un laboratoire commun pour que chacun réapprenne à travailler avec l’autre ?

Machine Tissage Emanuel Lang
©Emanuel Lang

Quels seront les premiers chantiers de ce laboratoire commun ?

Jacques Lalevée : Le premier gros chantier que nous aurons à mener consiste à caractériser le lin, étudier ses propriétés et performances.

Nous devrons ensuite prendre le temps de recenser les applications dans lesquelles nous pourront rapidement utiliser ce textile, celles pour lesquelles il nous faudra un peu plus de temps, ou encore celles qu’il nous faudra écarter, car les propriétés du lin ne leur conviendraient pas. C’est précisément pour ce travail de recensement que nous avons voulu construire le LabCom.

Enfin, et seulement à partir de là, nous pourrons dégager un certain nombre de domaines dans lesquels pousser et optimiser le matériau : automobile, transport, habitation… Nous ne pourrons pas aller vers tous les secteurs, mais avec une vision, du temps long et des volontés humaines, on peut aller très loin.

Une fois ces premières étapes franchies, comme dans toutes les structures vivantes, nous serons guidés par les résultats et les opportunités.

Pierre Schmitt : Ce sont précisément ces opportunités qui nous permettront de prendre une place de leader dans cette nouvelle industrie.

Nous voulons être capables, dans un délai très rapide, de présenter quelques prototypes – même pas encore totalement aboutis – à nos clients. En effet, avant de créer des produits, nous voulons développer des prototypes, dès l’obtention de premiers résultats en laboratoire. Il est beaucoup plus facile d’aller vers une série industrielle lorsqu’on a une plateforme de prototypage. C’est le maillon indispensable pour faire le relai directement avec les entreprises.

Nous voulons bousculer le paysage industriel et imaginer des objets de toute sorte. Nous devons faire connaître notre compétence et notre maîtrise de l’intégralité de la filière, très propre à la région de Mulhouse. C’est d’ailleurs pour interpeller et rassurer nos futurs clients que nous serons présents, début mai, au JEC, le salon mondial des composites.

Machines tissage Velcorex
©Velcorex

À quels secteurs industriels vous adresserez-vous à travers ce laboratoire commun ?

Lionel Limousy : L’idée avec le LabCom, c’est de saisir toutes les opportunités. C’est pourquoi nous avons lancé une grande étude, qui sonde l’intérêt des entreprises, par secteur d’activité : mobilité, nautisme, aéro, automobilité, habitat, matériau, médical…

Grâce à cette étude, nous aurons bientôt le panorama des secteurs qui ont une vraie attente et ceux pour lesquels il faut encore faire de la pédagogie. Aujourd’hui, 4 secteurs sont particulièrement ouverts à l’idée de travailler avec le lin : Mobilité (automobile, …), ameublement, matériaux allégés (sport,…), revêtements sols, murs et plafonds.

Cela ne nous a pas étonnés : avec l’augmentation du prix des énergies et des matières premières, les entreprises se trouvent dans un rapport coût-performance qui n’est plus intéressant. Or, pour avancer aujourd’hui, une entreprise a besoin, un, d’être performante, deux, de limiter sa consommation énergétique. Quoi de mieux alors que les biopolymères faits de fibres végétales comme le lin, pour répondre aux attentes des industriels.

Pierre Schmitt : Le secteur du nautisme est particulièrement prometteur ! Partout dans le monde, il y a des bateaux, de toutes tailles qui vieillissent dans les ports. Or, aujourd’hui, nous n’arrivons pas à recycler la fibre de verre qui constitue les coques. Comme les pâles d’éoliennes, nous les remplaçons, nous les enterrons, mais nous ne savons pas les recycler. Le lin apporte une solution exemplaire !

C’est très difficile aujourd’hui de dresser la liste de tous les secteurs industriels à qui nous nous adresserons, mais une chose est certaine, ils sont innombrables et ils augmentent tous les jours.

Quels produits pourraient demain se servir du lin comme matériau ?

Pierre Schmitt : La qualité et la résistance de cette matière est fascinante. C’est une véritable révolution dans le secteur des matières premières. Tous les matériaux autour de nous – tables, chaises, stores… – peuvent être fabriqués en lin. Pour certains produits, comme les stores, le lin est même beaucoup plus efficace que des matériaux synthétiques !

Le lin absorbe les vibrations, il est léger, souple…. Coques des bateaux, tentes de camping, piscines, sacs, attelles, voitures électriques, coques de téléphone, ULM… Concrètement, le lin est un matériau biosourcé qui peut servir tous les domaines !

Lionel Limousy : Aujourd’hui, si certaines idées peuvent nous paraitre bonnes, elles n’intéresseront pas forcément les prospects de demain. Sonder les entreprises est donc essentiel pour être challengés et pour profiter des moules dont elles disposent déjà pour créer nos prototypes en lin et les comparer à leurs propres pièces.

On aura donc non seulement des pièces identiques, mais on pourra en plus les tester sous contrainte dans les mêmes conditions.

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